LE LIVRE. Bernard Plossu a rencontré chez lui le fondateur du lettrisme, Isidore Isou, en 1998… il nous offre ici les rares photographies de ce penseur hors normes et de son univers.
« J’ai, à Paris, un petit logement, constitué de deux pièces minuscules et d'une grande salle de bains baroque : le plafond est fendillé, le papier des murs humide, le mécanisme du chauffage, du voyant de l'eau chaude, cassé.
L'un de mes rêves est d'habiter, pour toujours, un grand château, avec majordome, valets, cuisiniers ou robots perfectionnés, aptes à accomplir toutes ces tâches qu'on considère, aujourd'hui, comme inférieures et sans l'aide desquelles, faute de parents ou domestiques, mon sort, mon destin, est de faire, moi-même, mon petit ménage, de laver la salle de bains, de nettoyer la moquette, d'enlever les saletés des fenêtres, etc.
Je vis mal et je suis contraint de faire le ménage de mon logement en train de pourrir ! »
Isidore Isou, Quinze œuvres anti-supertemporelles, à vecteur anti-anti-supertemporel, supplément à « Précisions sur l’art anti-supertemporel », Bérénice, 1986
ISIDORE ISOU. Écrivain français d'origine roumaine, fondateur du mouvement lettriste, Isidore Isou – Jean-Isidore Goldstein pour l'état civil – voit le jour le 29 janvier 1925 à Botosani (Roumanie).
Fin 1945, il s'installe à Paris, prend le pseudonyme d'Isidore Isou et développe dès lors sa théorie poétique du Lettrisme, baptisée plus tard de « Créatique », inspirée par le surréalisme, le mouvement Dada et le futurisme et prônant une méthode de création radicale et globale autour non plus des mots mais des lettres, des sons et des signes. La lettre, dans son expression sonore et typographique, est selon lui la base de la poésie, avant même le mot et le sens.
Il expose sa théorie dans plusieurs essais et manifestes, lance et anime des revues, des expositions, des provocations et des polémiques qui agitent les milieux de l'avant-garde littéraire, picturale et cinématographique (la théorie et le mouvement lettriste, qui se veulent révolutionnaires, ne touchent pas seulement l'esthétique mais aussi le social, l'économie et la politique). Il publie notamment en 1949 le premier tome d'un Traité d'économie nucléaire, dont un chapitre intitulé « Soulèvement de la jeunesse » deviendra plus tard l'une des références de Guy Debord, de l'Internationale Situationniste et du mouvement de Mai 68.
Il réalise en 1951 un film expérimental intitulé Traité de bave et d'éternité présenté par Jean Cocteau au Festival de Cannes, puis commence à appliquer dans tous les arts un nouveau système d'écriture intégral baptisé « Hypergraphie ».
À partir des années 90, Isidore Isou, toujours aussi radicalement créateur, exalté et verbalement agressif, est plus ou moins rangé par certains milieux intellectuels au rayon des utopistes et des fous littéraires.
Il termine sa vie en se battant contre ceux qu'il appelle les « ersatzs », c'est-à-dire les copieurs, les pilleurs et les faussaires.
Isidore Isou décède à Paris le 29 juillet 2007, à l'âge de 82 ans.
BIOGRAPHIE
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